Depuis plusieurs décennies, la schizophrénie représente un axe majeur de recherche, notamment en neuro-imagerie. Malgré cela, les phénomènes biologiques en cause ne sont encore que partiellement compris. Les résultats d’une récente étude publiée dans la revue Molecular Psychiatry apportent des réponses en révélant une perturbation de la communication cérébrale.
La matière blanche cérébrale, clé de la schizophrénie ?
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) estime à 21 millions le nombre d’individus touchés par la schizophrénie dans le monde. Environ 40 ans après la découverte d’anomalies dans le cerveau des patients schizophrènes, tous les scientifiques s’accordent à dire que la maladie est due à une perturbation de l’ensemble du système de communication du cerveau.
L’étude parue le 17 octobre dernier dans la revue Molecular psychiatry se base sur la théorie selon laquelle la schizophrénie est due à un problème de câblage au niveau de 2 zones clés du cerveau impliquées dans la personnalité, la prise de décision et la perception auditive : le lobe préfrontal et le lobe temporal. Selon Sinead Kelly, co-auteur de l’étude, c’est la présence de « câbles effilochés » un peu partout qui provoquerait la maladie. Les chercheurs ont donc orienté leurs travaux sur l’analyse du tissu cérébral chargé de la communication entre les neurones constituant ces structures : la « matière blanche ». En effet, de nombreuses études précédentes ont déjà mis en évidence des perturbations de la matière blanche entre un cerveau sain et un cerveau atteint de schizophrénie. Ces découvertes impliquaient généralement le lobe préfrontal, le lobe temporal ainsi que les fibres nerveuses assurant la connexion entre ces deux régions. Cependant, l’absence d’homogénéité dans la méthode ou les résultats des différentes études ont rendu difficile tous consensus. L’un des auteurs explique que l’étude d’une seule partie du cerveau, lorsque la maladie est générale, n’est pas la bonne approche pour la comprendre. Si l’effet est global alors l’analyse doit l’être également pour obtenir toute l’histoire.
L’étude est d’envergure mondiale et représente à ce jour la plus vaste sur le sujet. Sinead Kelly déclare « Notre étude aidera à mieux comprendre les mécanismes de la schizophrénie, une maladie mentale qui non traitée mène souvent au chômage, à l’itinérance, à la toxicomanie et même au suicide ». Les chercheurs espèrent que leurs travaux mènent à l’identification de biomarqueurs utiles dans l’évaluation de la réponse aux traitements des patients.
L’ensemble de la communication cérébrale touchée
Tandis que les études menées jusque-là incluaient aux alentours de 100 schizophrènes, les scientifiques ont cette fois-ci analysé les données de 1 963 patients atteints de schizophrénie et de 2 359 individus sains provenant du monde entier. Pour cela, les données de 29 études internationales ont été regroupées grâce au réseau ENIGMA (Enhancing Neuro imaging Genetics through Meta analysis) de la Keck School of Medicine.
Les chercheurs ont examiné les données d’une forme d’IRM appelée « imagerie en tenseur de diffusion » permettant de cartographier in vivo la microstructure et l’organisation des tissus. Ces analyses ont permis aux scientifiques de localiser les zones problématiques dans le système de communication du cerveau. Ces résultats confirment le concept d’une dysconnectivité structurelle globale dans la schizophrénie.
La voie est donc ouverte à une recherche plus ciblée. La prochaine étape est l’identification de la cause de ces anomalies dans la matière blanche. Sinead Kelly émet l’hypothèse que compte tenu du caractère héréditaire de la schizophrénie, des gènes spécifiques peuvent peut-être favoriser ce trouble par des altérations du câblage cérébral.
Charline D., Pharmacien
– Study: Schizophrenia disrupt the Brain’s Entire Communication System. Drug Discovery and Development. Le 17 octobre 2017.