Le rapport à l’environnement est souvent perturbé chez les personnes souffrant de maladies psychiatriques comme la schizophrénie. Pour mieux comprendre ces décalages avec le réel, des chercheurs de l’Université de Strasbourg ont montré que certains patients schizophrènes ont une incapacité à percevoir et anticiper le temps qui passe. Publiés dans la revue Scientific Reports, ces travaux révèlent également un lien entre ce déficit de représentation temporelle et leurs troubles liés à leur perception d’eux-mêmes.
Plus le temps est mal perçu, plus les troubles du soi sont importants
La schizophrénie est une psychose grave, touchant 600 000 personnes en France, et caractérisée par une perte de cohérence de la pensée et des comportements. Pour mener à bien un diagnostic, les cliniciens s’attachent à étudier les symptômes de la maladie (hallucinations sensorielles, idées délirantes etc…) mais aussi, les troubles cognitifs et neurobiologiques associés.
A savoir ! Un trouble cognitif est une altération de l’un des processus cérébraux se caractérisant par des symptômes. Il peut toucher la mémoire, la perception, la pensée ou la faculté à résoudre des problèmes.
L’équipe d’Anne Giersch, Directrice de l’unité Inserm Neuropsychologie cognitive et physiopathologie de la schizophrénie de l’Université de Strasbourg, a comparé les facultés de prédictions temporelles chez 28 patients souffrant de schizophrénie et 24 sujets sains.
L’ensemble des participants était âgé, en moyenne, d’une trentaine d’années.
La majorité des patients schizophrènes suivaient un traitement médicamenteux à base de chloropromazine, un neuroleptique.
Cette prédiction liée au temps sert par exemple, à se préparer à accélérer avant que le feu passe au vert.
Plus concrètement, cette perception nous permet de lier des événements discontinus entre eux et d’obtenir un ressenti de continuité temporelle. Ce lien dans le temps entre les événements est rassurant dans la vie de tous les jours.
L’analyse des résultats révèle que les personnes souffrant de schizophrénie présentent une fragilité dans leur capacité de prédiction temporelle. En effet, lors du test, le passage du temps permettait de se préparer à répondre, mais certains patients n’ont pas réussi à tirer parti de ce temps pour anticiper leurs réponses.
Ensuite, en faisant le lien avec les expériences rapportées par les patients, appréciées à l’aide de l’échelle EASE, les chercheurs ont observé que ceux qui souffraient le plus fortement d’un trouble du « soi » étaient ceux qui avaient le plus de difficultés à maîtriser intellectuellement l’écoulement du temps.
Les troubles du soi mesurés avec l’échelle EASE
L’échelle EASE (Evaluation des Anomalies de l’Expérience de Soi) étudie les anomalies de l’expérience subjective qui semblent refléter des troubles de la conscience de soi. C’est une échelle descriptive basée sur la description des patients souffrant de troubles du spectre schizophrénique.
Dans cette échelle EASE, cinq domaines sont explorés :
- La cognition et le cours de la conscience ;
- Troubles de la conscience du soi et de la présence ;
- Les expériences corporelles ;
- Transitivisme (perte ou perméabilité des limites entre le soi et le monde) ;
- Réorientation existentielle.
Pour Anne Giersch qui s’est exprimée dans un communiqué de presse de l’INSERM : « La finalité sera de déterminer quelles sont les bases neurologiques de la prédiction temporelle. En étudiant la source du problème, nous pourrons mieux comprendre l’origine des symptômes cliniques de la schizophrénie ».
Julie P., Journaliste scientifique
– Schizophrénie : liens entre troubles de la personnalité et perception du temps. Communiqué INSERM. Le 4 septembre 2017.