Et si les situations de stress affectaient différemment le cerveau et l’organisme des personnes atteintes de schizophrénie ? C’est ce que suggère une étude récemment publiée dans la revue Brain et qui pourrait fournir des pistes sur les moyens de prévention précoce d’apparition de la maladie.
Stress et libération de dopamine
Les altérations de la libération de dopamine dans une région du cerveau appelée « striatum » ont déjà été bien étudiées par une équipe de scientifiques du Centre des addictions et de la santé mentale (CAMH) chez les personnes souffrant de psychose et soumises à une situation de stress.
À savoir ! La dopamine est un neurotransmetteur chimique qui permet la communication au sein du système nerveux. Elle influence directement le comportement et renforce les actions bénéfiques telles que manger en provoquant la sensation de plaisir.
« Nos recherches précédentes ont montré que les personnes à haut risque de psychose et celles expérimentant un premier épisode de psychose présentaient une libération de dopamine anormale ou augmentée en réponse au stress dans le striatum», déclare l’un des membres de l’équipe en charge de cette nouvelle étude.
Cependant, le rôle de la dopamine dans une autre région du cerveau appelée « cortex préfrontal » est encore mal connu alors que cette zone située en avant du cerveau est une région clé impliquée dans la régulation cognitive et émotionnelle :
« Puisque le cortex préfrontal est impliqué dans la régulation de la libération de dopamine dans le striatum, nous voulions comprendre ce qui s’y passait».
Dans ce contexte, l’équipe de scientifiques a voulu aller plus loin en enquêtant sur les réponses au stress dans la région du cortex préfrontal. Identifier les différences dans les réponses au stress entre les personnes à haut risque de psychose et les personnes schizophrènes pourrait éclairer sur le développement de la schizophrénie et sur les moyens de prévenir sa survenue.
Une réponse différente au stress en cas de schizophrénie
Pour mener à bien leurs recherches, les scientifiques ont étudié deux messagers chimiques importants : la dopamine et le cortisol, sur 3 groupes de volontaires soumis à un état de stress à l’occasion d’un test de mathématiques :
- 14 personnes schizophrènes
- 14 personnes à haut risque de développer une psychose
- 12 personnes sans maladie mentale
À savoir ! Le cortisol est une hormone libérée par les glandes surrénales situées au dessus des reins, en charge d’aider l’organisme à gérer les situations stressantes.
Dans un premier temps, les volontaires ont du répondre sur un écran d’ordinateur à un questionnaire de mathématiques sans aucune limite de temps pendant qu’un scanner à émission de positrons (TEP) évaluait le niveau de dopamine dans leur cerveau en fin de tâche.
Dans un second temps, les volontaires ont dû répondre à un questionnaire de mathématiques en situation de stress, c’est-à-dire dans un temps limité tout en recevant des remarques verbales négatives.
Les niveaux de cortisol ont quant à eux été mesurés grâce à la collecte d’échantillons de salive des participants pendant les deux étapes de l’expérience.
À savoir ! La collecte d’échantillons de salive est une méthode indolore, simple à réaliser et qui peut être répétée autant de fois que souhaité. Le cortisol dans la salive représente fidèlement le niveau de cortisol sanguin qui est biologiquement actif dans l’organisme.
Les scientifiques ont alors pu faire les observations suivantes :
- Chez les personnes en bonne santé, les niveaux de libération de dopamine et de cortisol augmentaient en situation de stress.
- Ce lien entre la situation de stress et la libération de dopamine et de cortisol n’apparaissait pas chez les personnes atteintes de schizophrénie.
« Nous avons découvert une réponse au stress perturbée chez les personnes schizophrènes, qui n’apparaissait pas chez les personnes saines ou celles à haut risque de développer une psychose », déclare le Dr. Mizrahi, l’un des auteurs de l’étude. Le cortisol étant la principale hormone du stress, cela suggère donc un système de régulation du stress perturbé chez les personnes schizophrènes ».
Mais, contrairement à leurs attentes, les chercheurs n’ont pas observé de différence significative dans la libération de dopamine dans le cortex préfrontal entre les 3 groupes de volontaires.
« Nos découvertes d’une libération augmentée de dopamine dans le striatum mais pas dans le cortex montrent la complexité du système de régulation du cerveau chez les personnes à haut risque de développer une psychose ainsi que chez les personnes schizophrènes ».
L’observation d’une perturbation dans la réponse au stress chez les personnes atteintes de schizophrénie, mais pas chez les personnes à haut risque de psychose, pourrait fournir une approche dans la manière d’agir de façon précoce pour prévenir la survenue de la schizophrénie.
Prochaine étape pour l’équipe de scientifiques : évaluer l’impact des stratégies de gestion du stress pour réduire les psychoses et les risques de schizophrénie.
Déborah L., Docteur en Pharmacie