Et si l’alimentation potentialisait l’efficacité de certains neuroleptiques pris par des patients atteints de schizophrénie ? C’est en réalisant une étude clinique sur plus de 60 individus schizophrènes avec le benzoate de sodium, le conservateur E211, qu’une équipe de chercheurs taiwanais a montré son efficacité, en synergie avec la clozapine, sur le recul de certains symptômes. Focus sur ces résultats prometteurs pour les patients atteints de schizophrénie réfractaire.
Quand les neuroleptiques ne suffisent plus
La clozapine, un neuroleptique atypique ou antipsychotique de seconde génération, est considérée comme le médicament de référence, et de dernière intention, pour les patients présentant une schizophrénie réfractaire (dite aussi « schizophrénie sévère et résistante »).
À savoir ! Les patients atteints de schizophrénie réfractaire sont ceux qui présentent des symptômes psychotiques persistants en dépit d’un traitement par des neuroleptiques. Certains patients ne montrent aucune réponse favorable, même aux premières étapes de la maladie tandis que d’autres développent cette résistance au traitement avec le temps.
Cependant, certaines études passant en revue les études cliniques sur l’efficacité de la clozapine, remettent en question sa réelle efficacité dans le recul de l’ensemble des symptômes de la maladie.
À savoir ! Les neuroleptiques sont définis comme des médicaments qui permettent de contrôler les symptômes “positifs” (le délire et les hallucinations), et les symptômes “négatifs” (l’émoussement affectif et émotionnel) mais qui ne sont pas efficaces contre les déficits “cognitifs”, caractérisés par la désorganisation de la pensée.
Ainsi, le corps médical estime que 40 à 70% des patients présentant une schizophrénie réfractaire voient leur symptomatologie diminuer faiblement en suivant un traitement à base de clozapine.
Alors, comment augmenter les chances de traitement de ces patients souffrant de schizophrénie réfractaire ?
On savait déjà que l’inhibition de l’enzyme D-aminoacide oxydase (DAO) était bénéfique pour les patients traités par des antipsychotiques autres que la clozapine. C’est en partant de ce constat que les chercheurs taiwanais ont décidé de tester un inhibiteur de cette DAO, le benzoate de sodium, sur des patients suivant un traitement avec de la clozapine.
Amélioration des symptômes avec le benzoate de sodium
Pour mener à bien leur étude clinique, les chercheurs ont divisé en trois groupes, les 60 volontaires atteints de schizophrénie réfractaire et stabilisés partiellement avec de la clozapine. Le premier groupe a reçu une dose journalière de 1 gramme de benzoate de sodium et le deuxième groupe s’est vu administrer 2 grammes quotidiennement. Enfin, le troisième groupe recevait, sans le savoir, un placebo.
À savoir ! Le benzoate de sodium est retrouvé naturellement dans certains fruits comme les airelles, les canneberges, la cannelle, les pruneaux, les clous de girofles. Sous le nom d’E211, Le benzoate de sodium est utilisé comme conservateur alimentaire grâce à ses propriétés antifongiques et bactériostatiques (arrête la croissance bactérienne).
Après six semaines de traitement, quels sont les résultats ?
Comparé au placebo, les patients des groupes traités avec le benzoate de sodium ont amélioré leurs symptômes négatifs, tels que le manque d’émotion et de motivation sans entrainer d’effets secondaires.
Les patients ayant reçu 2 gramme de benzoate de sodium au quotidien ont également amélioré leurs symptômes globaux et leur qualité de vie.
Cependant, les auteurs n’ont pas observé une influence de la molécule sur la fonction cognitive des patients.
En inhibant l’activité de la DAO, le benzoate de sodium empêche la dégradation de la D-sérine, un acide aminé clef dans la communication neuronale.
À savoir : La D-serine est un acide aminé libérée par les cellules gliales, les cellules de soutien des neurones (soutien physique et apports de nutriments). Dans des conditions normales, la libération de D-Sérine améliore le passage de l’information entre deux neurones via l’activation de récepteurs glutaminergiques ou NDMA. Les patients présentant une schizophrénie montrent des niveaux significativement plus bas de D-Sérine dans leur plasma comparativement aux personnes en bonne santé.
D’autres études sont encore nécessaires pour :
- Évaluer la relation dose/effet du benzoate de sodium ;
- Évaluer la durée de traitement optimale ;
- Comprendre les interactions moléculaires directes ou indirectes entre la clozapine et le benzoate de sodium.
Julie P., Journaliste scientifique
– Sodium Benzoate, a D-Amino Acid Oxidase Inhibitor, Added to Clozapine for the Treatment of Schizophrenia: A Randomized, Double-Blind, Placebo-Controlled Trial. Biological Psychiatry. C.H. Lin et al. Consulté le 12 février 2018.