Les délires et les hallucinations, principaux symptômes de la schizophrénie, toucheraient près de 20 % des enfants âgés de 9 à 12 ans. Ces signes révèleraient non seulement une santé mentale fragile chez les plus jeunes, mais pourraient également exposer ces enfants à des troubles alimentaires. Un risque suggéré par une récente étude britannique, dont les résultats viennent d’être publiés dans la revue scientifique The Lancet.
Santé mentale et troubles alimentaires
Les délires et les hallucinations, principaux symptômes de la schizophrénie, ne sont pas rares chez les enfants, puisque les spécialistes estiment que 17 % des enfants de 9 à 12 ans présenteraient de tels signes. Leur prévalence chuterait ensuite progressivement pour atteindre un seuil de 5 % chez les adultes.
De tels symptômes peuvent témoigner d’une santé mentale fragile à l’adolescence. Parallèlement, les études scientifiques ont montré que les troubles du comportement alimentaire, comme l’anorexie mentale ou la boulimie, peuvent être associés à différents problèmes touchant à la santé mentale, tels que :
- Des troubles de l’humeur ;
- Des addictions ;
- Un stress post-traumatique ;
- Des conduites suicidaires.
Pour mieux comprendre le lien entre santé mentale et troubles alimentaires, des chercheurs britanniques se sont penchés sur le lien entre des épisodes psychotiques à l’adolescence et des troubles du comportement alimentaire au début de l’âge adulte.
D’épisodes psychotiques vers des troubles alimentaires
Dans cette étude, les chercheurs ont utilisé les données d’une cohorte anglaise longitudinale de parents et d’enfants, qui a suivi des mères ayant accouché entre le 1er avril 1991 et le 31 décembre 1992 et leurs enfants. Les chercheurs ont pris en compte plusieurs paramètres :
- Les enfants ayant présenté des épisodes psychotiques, c’est-à-dire des délires et des hallucinations, vers l’âge de 13 ans ;
- La survenue et la gravité des troubles du comportement alimentaire vers l’âge de 18 ans, notamment :
- La boulimie ;
- L’anorexie mentale ;
- L’hyperphagie boulimique.
- La pratique intensive du sport pour perdre du poids.
Au final, l’étude a porté sur 6 361 enfants, parmi lesquels 12 % ont présenté des épisodes psychotiques à l’âge de 13 ans.
Un suivi de l’alimentation sur le long terme
En analysant les résultats, les chercheurs ont mis en évidence que la survenue de troubles psychotiques à l’adolescence était associée à un risque significativement plus élevé (presque doublé) de troubles du comportement alimentaire au début de l’âge adulte.
Ces données ont ensuite été ajustées, en prenant en compte les autres paramètres qui peuvent influencer les troubles mentaux ou alimentaires, notamment :
- Les données sociodémographiques (âge, statut marital, éducation), physiques et mentales de la mère ;
- Le sexe de l’enfant ;
- La présence de troubles de l’autisme à l’âge de 7 ans.
Après ajustement, l’association entre les épisodes psychotiques et les troubles alimentaires était légèrement atténuée, mais restait significative. A l’opposé, aucune association n’a été retrouvée entre les signes de schizophrénie et la pratique intensive du sport pour perdre du poids.
Au final, l’étude révèle que les adolescents présentant des épisodes psychotiques vers l’âge de 13 ans auraient un risque augmenté de 50 % de connaître des troubles du comportement alimentaire vers l’âge de 18 ans. Des études complémentaires sont nécessaires pour déterminer les facteurs de risque des épisodes psychotiques à l’adolescence et comprendre le lien avec les troubles alimentaires. Dans tous les cas, ces résultats révèlent l’intérêt d’un suivi sur le long terme des adolescents présentant des symptômes psychotiques, sur le plan de la santé mentale, mais aussi de l’alimentation.
Estelle B., Docteur en Pharmacie
– Longitudinal associations between psychotic experiences and disordered eating behaviours in adolescence: a UK population-based study. Lancet Child Adolesc Health. Solmi, F. and al. 2018.